L'éloge de l'ennui

D'habitude le nouvel an est l'occasion de s'imposer ces fameuses "bonnes résolutions", autant de promesses qu'on arrive à tenir...ou pas !

En ce début 2023, j'ai envie de m'arrêter sur un sujet qui m'a passionné, je veux parler de l'ennui.

C'est grave l'ennui?

C'est quoi l'ennui et à quoi ça sert ? Est-ce grave, utile de s'ennuyer ? Est-ce que c'est possible, d’ailleurs ?

L'ennui est un état d'esprit, vous êtes d'accord, qui va de : "pftttt, je ne sais pas quoi faire, là maintenant", à ce constat : "mince, ma vie est complètement vide, ennuyeuse", ou pire : "tout m'indiffère".

L'ennui comme souffrance

Les philosophes se sont emparés de ce sujet : Il y a eu Schopenhauer, et sa vision très pessimiste, je le cite :

"En ne nous proposant plus rien à désirer, L’ennui nous libère de nos illusions, il retire d’un seul coup le vernis qu’on mettait sur la vie. Le sage, pour Schopenhauer, se détache de la vie. Le vouloir-vivre est comme mort en lui. Le ressort est cassé. Il dit « oui » à la vie en disant « non » au vouloir-vivre".

Oups !

Nous avons également la vision de Jankélévitch.

« L’ennui est le vide de l’âme comblée, dit-il. L’ennui est mortel. On a beaucoup à perdre quand on a tout gagné. »

Ou bien comme catalyseur ?

Et puis, voici Heidegger qui dans son ouvrage "Etre et temps" s'empare du sujet. Contrairement à ce qu’ont défendu Schopenhauer et Jankélévitch, l’ennui n'est pas souffrance ; "il est une expérience fondamentale qui jette une lumière pure sur l’être en tant qu’être". Finalement l'ennui serait source de liberté :

« Pour sortir du sortilège de la molle immobilité de l’ennui, il faut se délivrer. Lorsque plus rien n’avance, il faut se mettre en route soi-même. Plus rien n’a d’importance sinon ce que nous faisons. »

Cette petite phrase m'a donné à réfléchir.

C'est vrai que nous avons tendance à remplir le moindre temps mort avec du mouvement, du divertissement, de l'image. Mais que se passerait-il si on ne comblait pas ce vide, si nous cessions de regarder nos mails, nos réseaux sociaux, nos séries... Si nous faisions silence quand l'ennui menace.

Cela nous est tous arrivé

En fait c'est exactement cela la question : Qu'y a t-il derrière ce vide intense, cette angoisse de l'ennui? Je ne vais pas m'atteler à une analyse psychologique. Je n'ai pas les compétences. Par contre, pour l'avoir vécu de l'intérieur, je peux témoigner que l'ennui à des vertus.

Il m'est arrivé, comme beaucoup d'entre vous j'imagine, de ressentir cet ennui profond qui se caractérise par un vide, une sensation de non sens. Et au-delà de l'aspect inconfortable de l'expérience, j'en garde un souvenir positif. Pourquoi ? Parce que l'ennui a été un catalyseur. Il m'a permis de me remettre en mouvement, après un temps, bien sûr de réflexion ou j'ai dû endurer cet ennui.

Je vous souhaite de vous ennuyer...un peu!

Donc je terminerai mon billet d'humeur sur ce constat. Oui, l'ennui est utile, bénéfique parfois, pour peu qu'il ne nous englue pas dans l'inaction. Mais c'est peut-être précisément grâce à l'ennui que nous nous remettons en route.

Dans ce cas, s'ennuyer est une sorte de signal qu'il faut prendre en compte. Avec un peu de chance, il donne l'occasion d' une véritable respiration.

Je vais donc vous souhaiter de vous ennuyer un peu pour cette année 2023 !

Viviane Fedieu Daniel